A propos les couples de rodin

Blog sur "Les couples chez Auguste Rodin : sculptures et dessins", réalisé par trois étudiantes en histoire de l'art à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans le cadre de TD en ressources numériques.

Une redécouverte du dessin. Chez Rodin ?

Le Journal des Arts, dans un article intitulé Musée : le dessin commence enfin à sortir des réserves écrit par Liou Jean et publié le 4 avril 1997, fait état d’un intérêt nouveau pour les dessins des artistes, souvent conservés en désordre dans les fonds des musées, non archivés, non classés et non répertoriés. Il cite en exemple le cas très révélateur des dessins de Rodin : « Au Musée Rodin, quelque 7 200 dessins du maître étaient entassés en vrac dans les tiroirs d’une commode. En prendre un faisait courir le risque d’en déchirer ou d’en abîmer d’autres… Le travail d’inventaire – cinq gros volumes sur papier et un thesaurus – a pris une vingtaine d’années. Il a fallu trier, confronter, dater, enregistrer, le cas échéant restaurer, cadrer… et traquer les faux. ».

Alors qu’en est-il des dessins de Rodin ?

De nombreux articles nous parlent d’une redécouverte des dessins de Rodin. Mais est-ce réellement le cas ? Dès la donation post-mortem de l’artiste au musée ses dessins sont connus et étudiés. C’est ce que nous montre l’article, Portrait d’un sculpteur en collectionneur, historien et archiviste, écrit par Hélène Pinet , auteur de différents livres sur Rodin, en 2011 pour la BBF, bulletin des bibliothèques de France. Il nous est dit qu’en 1936 les dessins de Rodin ont déjà été classés dans le musée. Pourquoi faut-il attendre 1986 pour voir une première exposition, hormis celles réalisées durant le vivant de l’artiste, sur les dessins de Rodin?

Il est vrai qu’à notre époque nous connaissons surtout Rodin pour ses sculptures. La postérité a privilégié ces œuvres sculptées à celles dessinées. C’est ce que nous démontre un nombre d’article impressionnant, en nous disant, que Rodin est méconnu en tant que dessinateur. FranceFineArt – Exposition la saisie du modèle, article présentant l’exposition « la saisie du modèle » et reprenant le communiqué de presse s’ouvre sur cette phrase : « On connaît Rodin sculpteur, mais connaît-on Rodin dessinateur ? ». L’article Rodin dessinateur, écrit par Carine Prunet décembre 2010 nous parle de la renommée de Rodin comme sculpteur, contrairement à celle du dessinateur. Pourtant cela n’a pas toujours été le cas. C’est en effet pour ses dessins dans les Fleurs du mal de Baudelaire que Rodin reçoit la légion d’honneur.

Paquerette Villeneuve dans le dossier Rodin, Claudel, Vies parallèles (in Vie des Arts, vol. 49, n° 199, 2005, p. 50-53) consacre un paragraphe à la « gloire rudement gagnée » de Rodin, indiquant que Rodin avait étudié le dessin et la sculpture, mais que ses oeuvres s’entassaient dans l’atelier. Et même quand il sera exposé, il sera énormément décrié.

Pourtant, un historien de l’art contemporain de Rodin était déjà grand admirateur de ce dernier. Il s’agit de Gustave Geffroy (1855-1926. La biographie très complète est extraite du site de l’INHA). Janine Salbert, dans un livre intitulé Annales de Bretagne (1963), consacre un chapitre à « Gustave Geffroy et Rodin » (disponible sur le site Persée), où elle explique cette admiration de l’historien d’art pour l’artiste, citant des propos tenus par Geffroy, tels que « Je vous dédie ces pages de batailles et de rêverie, mon cher Rodin, en reconnaissance de la compréhension d’art et de la joie de pensée que nous a données votre oeuvre. » (p.107), preuve de l’estime dont témoignait Geffroy à l’égard de Rodin et de son travail.

L’article Rodin revu, publié en 1986 dans la Revue de l’art (également disponible sur Persée), écrit par Catherine Krahmer retrace, sur une dizaine de pages, les différentes expositions des travaux de Rodin et leur réception par le public et par les acteurs du monde de l’art depuis les années 1980.

Nous nous intéresserons plus particulièrement aux expositions qui ont eu lieu ces dix dernières années, concernant les dessins de Rodin.

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Plusieurs expositions ont révélé, ces dix dernières années, l’original talent de dessinateur d’Auguste Rodin.

Un certain nombre d’articles et de publications ont été réalisés pour l’exposition Rodin, les figures d’Eros, qui a eu lieu en 2006 au Musée Rodin de Paris ; nous en détaillons quelqu’uns ci-dessous.

Le livre Rodin, dessins érotiques écrit par Philippe Sollers et Alain Kirili en 2007 décrit une quantité importante et inconnue des dessins de Rodin, tandis que Guy Duplat, dans un article du 14 décembre 2006 intitulé Rodin ou la force d’Eros met en avant la force des dessins de Rodin et leur caractère « fabuleux ».

Pascale Leman explique sur le site Culture et dépendances, un blog d’Annick Lepage, dans son article Les figures d’Eros : Rodin très coquin  publié le 21 novembre 2006, que  les dessins de Rodin, très érotiques, étaient méconnus.

Les dessins de Rodin, entre nu et érotisme publié le 22 novembre 2006 apporte des précisions sur le travail de Rodin concernant le couple de L’Enfer de Dante, Paolo et Francesca. Antoine Bourdelle les a appelé « dessins noirs » et ils constituent la première oeuvre graphique de Rodin.

En 2007, au Musée Rodin de Paris, se tenait l’exposition Rodin et le rêve japonais qui dévoilait un autre aspect du travail de Rodin : les dessins dits japonais, ainsi que des oeuvres sculptées en grès, matériau de prédilection des Nippons. Un article publié le 7 juin 2007 sur le site artactu.com explique que Rodin a été un collectionneur d’oeuvres orientales et que ses oeuvres, notamment celles du Japon, ont inspiré son travail, dessins et sculptures.

Trois ans après l’exposition Les figures d’Eros, la fondation Gianadda en Suisse revient sur le thème de l’érotisme en présentant dans une exposition intitulée Rodin érotique soixante-douze dessins inédits. Une description complète nous est donnée par  Elisabeth Bouvet dans son article « Rodin et son Origine du Monde » publié sur le site de RFI le 30 mars 2009.

Rodin a toujours dessiné, perfectionnant son style et sa technique au fil des ans, testant de nouveaux procédés (collage, assemblages…), reprenant sans cesse ses dessins, comme le montre le dossier de l’exposition Rodin et la couleur au musée de l’Annonciade à Saint-Tropez en 2010.

Dans le cadre de l’exposition Le plaisir infini du dessin, au musée Matisse du Cateau-Cambrésis en 2011, Justine Faiderbe révèle dans son article « Comment Rodin sculpteur fut Rodin dessinateur » publié le 20 mars 2011 sur le site Nord-Eclair que la première passion de Rodin est le dessin, avant la sculpture. Le site du Cateau-Cambrésis offre une présentation de l’oeuvre dessinée de Rodin exposée au Musée Matisse du 13 mars au 13 juin 2011.

Le dossier documentaire de l’exposition la Saisie du modèle (2012) précise cependant que la renommée de Rodin en tant que dessinateur était discrète. Pour le Monde des Arts, l’exposition La saisie du modèle a pour but renouer avec le dessin de Rodin. Il mentionne également une exposition de 1903 à Berlin où Rodin a exposé 300 dessins.

 

Ces expositions montrent très clairement un regain d’intérêt pour les dessins d’Auguste Rodin. Elles se sont succédées dans différentes villes ces dix dernières années, afin de faire (re)découvrir au public un aspect souvent inconnu du travail de l’artiste.

 

M.B. et L.P.

Une des lignes directrices de l’artiste : le couple.

Que ce soit en sculpture ou en dessins Rodin a réalisé de nombreuses représentations de couples. Que ce soit des visions d’un amour idéal, sensuel ou presque brutal, nous pouvons dire que ce thème marque son œuvre comme sa vie.

Esculape ou ex-voto

Auguste Rodin, vers 1903, musée Rodin

Différents couples font leur apparitions dans les œuvres de l’artiste. Des couples hétérosexuels, homosexuels, saphiques et il semblerait parfois à tendance pédophile. Il est surprenant de parler de pédophilie à propos de Rodin, cependant dans mes recherches d’images j’ai trouvé deux statues qui me semblent rentrer dans cette catégorie. L’une est un œuvre mythologique nommée Esculape ou Ex-Voto, le premier nom désigne le dieu romain de a médecine et le deuxième une offrande faite pour l’accomplissement d’un souhait. La deuxième œuvre se nomme L’homme et sa pensée. N’ayant trouvé aucun texte sur ces sculptures je ne m’attarderai pas dessus, car je ne pourrais pas être sûre de mes affirmations, cependant elles sont sujet à réflexion.

Eternelle Printemps

Auguste Rodin, vers 1884, musée Rodin

Dans son académisme premier, son travail du corps humain, et sa passion pour Michel-Ange, Rodin réalise beaucoup de couples hétérosexuels représentant un amour idéal. Ces œuvres idylliques il les réalise surtout lors de sa romance avec Camille Claudel. Ce sont des travaux comme Le Baiser ou L’ Éternelle Printemps. Un article d’Alain Truong, historien de l’art, avocat, créateur de mode et blogueur, nous parle plus en détail de Éternel Printemps : Auguste Rodin (1840 – 1917). Éternel Printemps, second état, 3èmeréduction. Ces œuvres sont d’une force extraordinaire sûrement à cause de leur contexte de création et de la passion que ressentait l’artiste. Certains dessins représentent aussi cette passion amoureuse comme les dessins préparatoires du Baiser (voir article « des œuvres préparatoires?« ).

Eros : bas-relief

Auguste Rodin, vers 1880,musée Rodin

Une figure mythologique ressort du travail de Rodin c’est Éros. Ce dieu romain est une figure de l’amour et de l’érotisme. Il est généralement utilisé dans l’œuvre de Rodin comme la représentation de la passion et de la luxure. Il a pourtant réalisé des oeuvres plus classiques représentant le mythe d’Éros et Psyché amour légendaire qui nous montre la lutte des amants pour leur passion. Il en a représenté notamment deux sculptures Psyché et l’Amour et Cupidon et Psyché. Il a ausi réalisé une Psyché et Printemps et une Psyché. Cela nous montre l’importance de ce couple dans le travail du maitre. De nombreux dessins avec Éros sont aussi réalisés notamment des collages comme nous le montre le l’exposition « la saisie du modèle » au musée Rodin en 2012. Dans la section collage étaient représentés de nombreux dessins avec Éros qui est une figure qu’il reprend toujours avec le même modèle, comme dans le dessin Éros : bas-relief. Une section de l’article Thème : Le corps dans l’œuvre de Rodin publiée dans les fiches éducatives du musée Rodin, écrites par Cédric Loire, auteur de toutes ces fiches, nous parle de la passion de l’artiste pour Eros. Cela nous amène à la vison de la luxure par Éros, voir la mythologie en général avec ses figures de satyres faunes ou faunesse et bacchantes, personnages de la suite du dieu. De nombreuses sculptures représentent ces sujets, notamment Bacchante ou Bacchante s’enlaçant, deux sœurs, la nature, qui nous montre un amour charnel entre deux femmes, cela nous conduit donc à un autre thème récurent, le couple saphique.

BACCHANTES OU  BACCHANTES S'ENLACANT, DEUX SOEURS, LA NATURE

Auguste Rodin, avant 1910, musée Rodin

Le corps des femmes a toujours fasciné Auguste Rodin. Il le dessine et le sculpte de multiple façons. Cet émerveillement nous est notamment montré dans ses représentations de couple saphique. Il en réalise de nombreux dessins qui sont souvent des travaux qu’il destiné à sa collection privée, soit des oeuvres très osées. C’est ce dont nous parle l’article « Les figures d’Eros » : Rodin très coquin c’est un commentaire de l’exposition « Les figures d’Éros » qui a eu lieu au musée Rodin en 2006. Cet article est écrit par Pascale Leman, blogueur qui nous parle de l’actualité artistique. Un autre article nous parle de cette exposition et dans le même temps de la passion de l’artiste pour les femmes. C’est Rodin ou la force d’Éros écris dans « la Libre Belgique » en 2006, par Guy Duplat, rédacteur de la section culturel de ce journal. En vu du nombre important de ces travaux je n’ai pas pu répertorier leur intégralité dans notre flickr, je vous donne donc le lien Joconde qui présente tous les couples réalisés par Rodin, dont une bonne partie sont saphique.

Damned Women (Femmes damnées)

Auguste Rodin, avant 1885-1890, Brooklyn museum

Rodin exprime souvent une violente passion dans ces œuvres. il utilise comme nous l’avons montrer ci-dessus, la mythologie pour justifier cela. Il a aussi parfois recours aux propos religieux qui incriminent ces pratique pour les faire rentrer dans la norme. C’est le cas de modèles des Femmes Damnées, qui sont des compositions de sensualité mais condamnées par leur titre même, ou encore de la statue très provocante de Le Christ et la Madeleine. Ces extravagances de poses l’amènent a choisir des modèles particulièrement souples et tolérants. Il est dit que Rodin a une relation très particulière avec ses modèles, surtout les modèles féminins. C’est ce que nous explique Sophie Flouquet dans son article : Les dessins coquins d’Auguste Rodin publié sur le journal des arts en 2009.

M.B.

Un travail en constante évolution

Le dossier de l’exposition Rodin et la Couleur (Musée de l’Annonciade de Saint-Tropez, 27 mars – 21 juin 2010) met en exergue une évolution certaine dans le dessin d’Auguste Rodin. Le dessin, d’abord tributaire de la sculpture, devient autonome pour aboutir au statut d’oeuvre à part entière. Les différences entre les deux types de dessins -études et oeuvres à part entière- sont notables : dominance de blanc et noir pour les études, rehauts de couleur grâce à l’aquarelle pour les « dessins-oeuvres » ; présence d’annotations de l’artiste pour les études…

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-dessus : à gauche : Liberté, égalité, fraternité ; à droite : Deux femmes enlacées 

Le dessin, même s’il a toujours été important pour Rodin, ne prend une place considérable qu’à partir de la deuxième moitié de la vie de l’artiste (1908-1914). Cependant la majorité des dessins a été constamment reprise au fil des années par Rodin, avec des rajouts de gouache, d’aquarelle, et de lavis, ce qui rend très difficile la datation et la chronologie, donc d’établir précisément quand ces modifications ont été réalisées, selon Nadine Lehni, conservateur en chef du patrimoine, toujours dans ce même dossier.

C’est Patrick de Bayser, qui a beaucoup écrit sur le nu féminin, qui dans un article intitulé « Rodin, la force du dessin » (HorsSérie le Spectacle du Monde, n°8, 2001) nous informe sur la réception des dessins de Rodin. Les dessins sont surtout connus et appréciés par une élite. Certains font l’objet d’une publication, mais dont le prix est inaccessible pour l’énorme majorité du public (10 000 francs). C’est à l’exposition de l’Alma en 1900 que les dessins deviennent connus du grand public.

Pour Jean-Paul Monery, conservateur en chef du musée de l’Annonciade, on peut définir plusieurs périodes : les premiers dessins constituent des esquisses en lien avec la sculpture ; dans les années 1880, la grande majorité des dessins est dédiée à la réalisation de la Porte de l’Enfer. Rodin expérimente alors un travail d’étude d’après nature. Puis la femme s’imposera à lui comme unique modèle, et quand il la représentera ce sera pour être une oeuvre à part entière.

Quant aux sculptures, les formes deviennent de plus en plus simplifiées avec l’augmentation de la taille des oeuvres et l’utilisation de nouvelles techniques comme le plâtre « unificateur », notamment pour le Torse d’une jeune femme cambrée, selon l’article de Raphaël Saubole sur l’exposition Matisse et Rodin au musée Rodin en 2010.

Le texte présentant les sculptures de Rodin sur la page du Musée Rodin met en lumière les tendances majeures de son travail : après avoir représenté des figures humaines de pied, il les représente tronquées (1890) ; il sculpte beaucoup de bustes, répond à des commandes… Après 1900, il retouche ses oeuvres, en leur ajoutant des éléments ou en reproduisant ses propres oeuvres dans un autre matériau, comme pour Fugit Amor ci-dessous.

 

 

 

 

 

 

L.P.

Des oeuvres préparatoires ?

Les dessins de Rodin nous apprennent beaucoup sur son art. Ils sont représentatifs de sa spontanéité et de sa créativité.

Etude pour la Porte de l'Enfer

Étude pour La Porte de l'Enfer, Auguste Rodin, entre 1908 et 1910, musée Rodin

Rodin a réalisé de nombreux travaux préparatoires, notamment pour sa construction de La Porte de l’Enfer. C’est ce que nous dit le dossier de l’Exposition Rodin et la couleur (27 mars-21 juin 2010) (document présenté plus bas) dans la rubrique les « dessins sont la clef de mon œuvre ». Cette commande du gouvernement lui tenait en effet particulièrement à cœur, il la voyait comme l’affirmation de la grandeur de son art. Ses dessins sont autant d’études architecturales que sculpturales et lui serviront à la création de son œuvre monumentale. Il ira d’ailleurs plus loin dans la préparation de ce monument en créant des sculptures préparatoires. C’est par exemple le cas de la statue Fugit amor une de ses œuvres les plus connues.

C’est au cours de ses recherches qu’il découvrira des nouveaux procédés, notamment celui d’assembler différentes œuvres pour n’en former qu’une. Une de ses compositions la plus fameuse est Je suis belle qu’il a réalisé à partir de la Femme accroupie et de l’Homme qui tombe. Il utilisera aussi ce procédé pour ses collages de dessins. Par exemple dans le couple féminin qui est présenté dans l’exposition « La saisie du modèle », au musée Rodin en 2012, qui comporte une section consacrée aux collages de l’artiste. Le dossier documentaire de cette exposition retrace d’ailleurs très bien le parcours de l’exposition et bous en apprend plus long sur cette technique.

Cependant quand il en vient aux dessins de couples qu’il réalise, ce ne sont, la plupart du temps, plus des travaux préparatoires. Nous pouvons bien sûr, parfois, observer des ressemblances avec ses sculptures, comme nous le montrons dans un des albums de notre flickr, mais ces dessins sont le résultat d’un travail beaucoup plus complet. Il utilise par exemple la couleur d’une manière qui lui est propre, comme nous le montre le communiqué de presse de l’exposition « Rodin et la couleur » écrit par Nadine Lehni, conservateur en chef du patrimoine au musée Rodin. Cette exposition a eu lieu au musée de Saint-Tropez l’Annonciade en 2010. Les commissaires d’exposition sont Nadine Lehni et Jean-Paul Monery, Conservateur en chef de l’Annonciade (musée de Saint-Tropez).

Les techniques, employées dans ses dessins de couples, sont si diverses et travaillées qu’il semble clair que ces dessins n’avaient pas pour unique but de préparer le travail de sculpture. Il sont des œuvres à part entière. Un exemple flagrant est celui du Baiser. On peut trouver de nombreux dessins lui ressemblant, mais ils ne sont pas tous des dessins préparatoires. Il a réalisé des croquis qui peuvent être assimilés à la sculpture, mais travaillés avec des techniques différentes ce qui nous montre une recherche plus approfondie sur le dessin, comme nous pouvons l’observer avec couple enlacé ou cercle des amours ou avec le cercle des amours. Cependant un des dessins est sûrement un travail préparatoire car il comporte l’inscription suivante : « à faire un groupe rond de bosse avec la figurine accroupie Mephistos ». Ce dessin ce nomme Mephistos, couple assis et enlacé.

M.B.

Dessin et sculpture : deux approches différentes

Rodin fut longtemps décrié pour ses dessins et ses sculptures, avant de bénéficier de la reconnaissance du monde artistique et du public. Ses dessins, très érotiques, et dont le processus de création était (trop) original pour l’époque, sont pourtant très nombreux (7000 conservés à ce jour par le Musée Rodin à Paris). Et ses sculptures font désormais partie des collections de nombreux musées dans le monde (recensement du Musée Rodin de Paris).

Les dessins

Rodin fut dessinateur toute sa vie. L’exposition « Rodin et la couleur » qui s’est tenue au musée de l’Annonciade à Saint-Tropez l’année dernière met l’accent sur l’emploi de la couleur dans les dessins de Rodin. Il dessinait d’abord au crayon graphite, des traits continus, saisissant son modèle en  perpétuel mouvement, rajoutait la couleur, aquarelle, gouache, encre, dans un deuxième temps.

Selon le dossier de l’exposition, il est clair que deux périodes caractérisent le dessin de Rodin : les premiers dessins sont des études, tandis que ceux réalisés à partir des années 1880, rehaussés de lavis et d’aquarelle, constituent une oeuvre à part entière. De plus, Rodin réutilisait ses figures plusieurs fois, en rajoutant ensuite quelques éléments (couleur, collage).

Dans un article paru sur le site Nord Eclair le dimanche 20 mars 2011, la journaliste Justine Faiderbe souligne que Rodin a également illustré Les Fleurs du Mal de Baudelaire, qui ont inspiré son travail dans un premier temps. Ces illustrations lui ont valu l’attribution de la Légion d’Honneur en 1887, récompense ultime pour son travail de dessinateur, reconnaissance indéniable de l’Etat français.

Pour Rainer-Maria Rilke (dont le site Esprits Nomades nous présente une biographie très complète, appuyée d’extraits de ses oeuvres et d’une bibliographie papier, écrite par un passionné Gil Pressnitzer), qui fut secrétaire de Rodin en 1905, le point culminant du travail de dessinateur de Rodin réside dans ses dessins érotiques. Là, tout le talent de Rodin se révèle. Rodin se libère du trait, de la forme, de la couleur.

Les sculptures

Céline Berkhani, dans un article intitulé « Auguste Rodin, sculpteur de la Nature humaine » (hébergé sur le site Arts visuels et arts plastiques @suite 101, 16 juillet 2010) rappelle brièvement les principales étapes de la vie de Rodin, qui l’ont mené peu à peu au statut d’artiste sculpteur reconnu. Handicapé par sa forte myopie, Rodin développe un sens tactile affuté. Sa première oeuvre conservée est un buste de son père.

Rodin a fourni un intense travail préparatoire pour les sculptures illustrant de la Porte de l’Enfer, première commande de l’Etat. Beaucoup d’études sont conservées à ce jour.  Une des sculptures qui répond le plus aux dessins érotiques en tant qu’oeuvre à part entière est sans aucun doute « Iris messagère des Dieux« , exhibant son sexe face au spectateur, comme dans de nombreux dessins de Rodin. Mais quelquefois, il s’avère difficile de faire un lien entre les sculptures et les dessins considérés comme des oeuvres à part entière : beaucoup d’éléments diffèrent.

Dominique Viéville (directeur du musée Rodin de Paris depuis 2005, qui présente dans une interview accordée au Journal des Arts ses projets pour le musée Rodin) explique dans un article consacré à l’exposition « Rodin, les figures d’Eros, dessins et aquarelles 1890-1917 » (du 22 novembre 2006 au 18 mars 2007 au musée Rodin, à Paris) que « Rodin construisait mentalement ses scupltures ».

Plus techniquement, Raphaël Saubole explique dans cet article sur l’exposition Matisse et Rodin au musée Rodin (janvier 2010) que Rodin choisissait un fini non lisse pour ses sculptures afin qu’elles captent la lumière. Il rajoute que « Rodin considère la sculpture comme un ensemble de morceaux ».

Révolutionnaire dans sa manière de dessiner, certes, mais aussi dans sa manière de sculpter. Là encore, il ne respecte pas les normes académiques néo-classiques, selon l’article publié le 5 mai 2010 accompagnant un reportage télévisé sur l’exposition « Rodin et la couleur » du Musée de l’Annonciade sur le site Culture Box de France Télévisions.

Auguste Rodin, même s’il tarde à être reconnu, s’impose pourtant comme novateur dans son époque. Ce sera l’exposition universelle de 1900 à Paris qui lancera sa carrière internationale. Son rapport au dessin et son rapport à la sculpture diffèrent, toutefois un lien les rapproche indiscutablement : l’utilisation exacerbée des sens, la vue pour le dessin, le toucher pour la sculpture.

L.P.