Dessin et sculpture : deux approches différentes

Rodin fut longtemps décrié pour ses dessins et ses sculptures, avant de bénéficier de la reconnaissance du monde artistique et du public. Ses dessins, très érotiques, et dont le processus de création était (trop) original pour l’époque, sont pourtant très nombreux (7000 conservés à ce jour par le Musée Rodin à Paris). Et ses sculptures font désormais partie des collections de nombreux musées dans le monde (recensement du Musée Rodin de Paris).

Les dessins

Rodin fut dessinateur toute sa vie. L’exposition « Rodin et la couleur » qui s’est tenue au musée de l’Annonciade à Saint-Tropez l’année dernière met l’accent sur l’emploi de la couleur dans les dessins de Rodin. Il dessinait d’abord au crayon graphite, des traits continus, saisissant son modèle en  perpétuel mouvement, rajoutait la couleur, aquarelle, gouache, encre, dans un deuxième temps.

Selon le dossier de l’exposition, il est clair que deux périodes caractérisent le dessin de Rodin : les premiers dessins sont des études, tandis que ceux réalisés à partir des années 1880, rehaussés de lavis et d’aquarelle, constituent une oeuvre à part entière. De plus, Rodin réutilisait ses figures plusieurs fois, en rajoutant ensuite quelques éléments (couleur, collage).

Dans un article paru sur le site Nord Eclair le dimanche 20 mars 2011, la journaliste Justine Faiderbe souligne que Rodin a également illustré Les Fleurs du Mal de Baudelaire, qui ont inspiré son travail dans un premier temps. Ces illustrations lui ont valu l’attribution de la Légion d’Honneur en 1887, récompense ultime pour son travail de dessinateur, reconnaissance indéniable de l’Etat français.

Pour Rainer-Maria Rilke (dont le site Esprits Nomades nous présente une biographie très complète, appuyée d’extraits de ses oeuvres et d’une bibliographie papier, écrite par un passionné Gil Pressnitzer), qui fut secrétaire de Rodin en 1905, le point culminant du travail de dessinateur de Rodin réside dans ses dessins érotiques. Là, tout le talent de Rodin se révèle. Rodin se libère du trait, de la forme, de la couleur.

Les sculptures

Céline Berkhani, dans un article intitulé « Auguste Rodin, sculpteur de la Nature humaine » (hébergé sur le site Arts visuels et arts plastiques @suite 101, 16 juillet 2010) rappelle brièvement les principales étapes de la vie de Rodin, qui l’ont mené peu à peu au statut d’artiste sculpteur reconnu. Handicapé par sa forte myopie, Rodin développe un sens tactile affuté. Sa première oeuvre conservée est un buste de son père.

Rodin a fourni un intense travail préparatoire pour les sculptures illustrant de la Porte de l’Enfer, première commande de l’Etat. Beaucoup d’études sont conservées à ce jour.  Une des sculptures qui répond le plus aux dessins érotiques en tant qu’oeuvre à part entière est sans aucun doute « Iris messagère des Dieux« , exhibant son sexe face au spectateur, comme dans de nombreux dessins de Rodin. Mais quelquefois, il s’avère difficile de faire un lien entre les sculptures et les dessins considérés comme des oeuvres à part entière : beaucoup d’éléments diffèrent.

Dominique Viéville (directeur du musée Rodin de Paris depuis 2005, qui présente dans une interview accordée au Journal des Arts ses projets pour le musée Rodin) explique dans un article consacré à l’exposition « Rodin, les figures d’Eros, dessins et aquarelles 1890-1917 » (du 22 novembre 2006 au 18 mars 2007 au musée Rodin, à Paris) que « Rodin construisait mentalement ses scupltures ».

Plus techniquement, Raphaël Saubole explique dans cet article sur l’exposition Matisse et Rodin au musée Rodin (janvier 2010) que Rodin choisissait un fini non lisse pour ses sculptures afin qu’elles captent la lumière. Il rajoute que « Rodin considère la sculpture comme un ensemble de morceaux ».

Révolutionnaire dans sa manière de dessiner, certes, mais aussi dans sa manière de sculpter. Là encore, il ne respecte pas les normes académiques néo-classiques, selon l’article publié le 5 mai 2010 accompagnant un reportage télévisé sur l’exposition « Rodin et la couleur » du Musée de l’Annonciade sur le site Culture Box de France Télévisions.

Auguste Rodin, même s’il tarde à être reconnu, s’impose pourtant comme novateur dans son époque. Ce sera l’exposition universelle de 1900 à Paris qui lancera sa carrière internationale. Son rapport au dessin et son rapport à la sculpture diffèrent, toutefois un lien les rapproche indiscutablement : l’utilisation exacerbée des sens, la vue pour le dessin, le toucher pour la sculpture.

L.P.

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